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« Pouvoir se dire », un film de Benoît Perraud

Dire. S’énoncer. Se cacher. Se Raconter. Enoncer un amour, cacher une étreinte, raconter une identité. Révéler quoi, révéler comment, révéler pourquoi ? Avouer, comme une différence, comme une part de soi-même, comme une normalité. Entre culpabilité, désir et émancipation, plusieurs personnes racontent quelques moments de leur vie liés à leur homosexualité.

Propos du réalisateur

« L’hétérosexualité n’a rien de normal, elle est juste courante. » Dorothy Parker

Telle une sentence qu’on devrait étudier pour une épreuve analytique de philosophie, cette maxime contient en son sein la problématique. En la nommant «normal», en la nommant «courante», elle ouvre ainsi les deux grands champs d’interrogation de l’homosexualité dans son rapport à la société. Ce fut également la base de ma réflexion.

Il n’y a pas chez l’être humain de sexualité à strict but de reproduction, il n’y a donc pas de normalité, juste des désirs différents. Pourtant notre imaginaire semble encore façonné par une « Nature », jusqu’à interroger encore maintenant la parentalité attaché à la structure combinatoire homme-femme.

Quand au terme « courant » de la formule, il renvoie à une question de norme : mais en la définissant ainsi, la norme devient uniquement le plus grand nombre. On bascule ainsi clairement dans un rapport de domination : la norme c’est le nombre, la quantité.

C’est ainsi qu’on conduit une société vers l’hétéronormativité. C’est ainsi que nous avons encore aujourd’hui des débats qui secouent la société civile pour l’égalité des droits.

Agressions, négation, contraintes de visibilité, de manière éloquente ou bien plus subrepticement, certains individus souffrent parfois d’une dissimulation forcée, et il est parfois impossible, tristement, de tout simplement énoncer le désir ou l’amour lorsqu’il s’oriente vers un individu de même sexe. Il est donc parfois impossible de se dire, de s’énoncer, et ainsi, de se définir. Ce sont ces contraintes, cette discrimination, dont il semble absolument nécessaire de se dégager aujourd’hui. Comment se fait-il qu’ici et maintenant, comme hier et ailleurs à des degrés différents, il ne soit pas encore complètement acquis que l’orientation sexuelle doit être libre et entière ?

Chacun se construit différemment : s’affirmer pour mieux se sentir et ressentir, comme une libération pour mieux se trouver, ou bien s’interroger sur le bien fondé de l’énoncer, parce qu’on considère ceci comme tout à fait normal. Quel est ce passage, ce coming-out, nécessaire ou pas : est-on obligé de le dire pour « sortir » de l’hétérosexualité tellement courante ? Dans ce cas qu’y a t’il à dire ? Que faudrait-il « avouer » ? Entre nécessité personnelle et politique, il faut s’affirmer. Entre intimité et mystère, il faut rester soi-même.

Ce sont ces questions qui m’ont traversé quand j’ai réalisé ce film. Avec ces rencontres, au travers de ces images et de ces paroles, j’ai décidé de travailler la découverte, la révélation, l’énonciation et le dialogue, lorsque des individus se trouvent confrontés à ces questions.

Parce qu’il y a tant de choses qu’on doit pouvoir se dire. Sans crainte.favico

Novembre 2013, tourné à Poitiers (Vienne), Réalisation : Benoît Perraud, Image : François Perlier, Son & mixage: Benoît Perraud, Montage & étalonnage : Martin Hardouin Duparc, Avec :Alison, Vincent Norbert, Christian Michot, Mathilde Cameo & Eve, Photos Eve et Mathilde : Marie Cameofavico

« POUVOIR SE DIRE » EN MONTAGE

Le réalisateur Benoît Perraud et le monteur Martin Hardouin-Duparc au travail.

AVANT PREMIÈRE DE L’ACTU 1

Aldrich Bostffocher et l’équipe du TAP Cinéma à Poitiers ont accueilli la présentation publique des Actualités Cinématographiques le 12 novembre 2013.

Catégories : ACTU01, Numéro 1, Sur les films

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